Je devais avoir une dizaine d'années... 

Le jardin de la maison familiale s'ouvrait sur la campagne. 

Je partais, souvent équipé d'une modeste canne à pêche et d'un petit panier en osier, plein d'espoir, le long des ruisseaux voisins. 

 

A l'ombre des arbres, seuls, quelques rayons de soleil déssinant des formes étranges sur l'eau sombre, laissaient entrevoir des soupçons de vie subaquatique et découvrir de curieux paysages... Je restais des heures la ligne à la main, essayant d'imaginer ce que je ne pouvais pas observer... 

Je rentrais en fin d'après-midi, sans aucun de ces minuscules poissons qui peuplaient ces ruisseaux, mais la tête pleine d'étranges images... 

 

Les photos que je présente sont pour la pluispart comme l'eau des ruisseaux de mon enfance, j'aime y laisser dans la noirceur de l'encre une part de rêve... 

 

La question des rapports entre elles ne se pose pas... Elles ne reflètent nullement de simples expériences plastiques, mais s'efforcent de révéler une part d'indicible, elles tissent comme une attente... 

 

Le noir ne retient du réel que sa pure essence lumineuse, "ce trésor de rayons" dont Barthes disait qu'ils continuaient à nous atteindre après la disparition de l'être ou de la chose photographiés. 

 

La photographie est pour moi métaphore suggérant une façon de voir, de capter le monde. Renoncer à y saisir une réalité en même temps que se profile un espace où s'inscrit, se donne libre court l'imaginaire. 

 

Ètrangeté que ces lieux qui nous interpellent et s'imposent à nous. 

Univers comme en suspens, champ fragile et fugitif... 

 

L'image se charge de l'épaisseur du temps et des lieux mais en même temps projette un autre unvivers. Un rêve en flottement... 

 

Jean Claude Pondevie